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LA FORCE

Il lui enleva la faveur du pape. Il joua de la superstition de Jules II ; il lui rappela la croyance populaire, suivant laquelle il était de mauvais présage de se faire bâtir son tombeau de son vivant. Il réussit à le détacher des projets de son rival, et il y substitua les siens. En janvier 1506, Jules II se décida à reconstruire Saint-Pierre. Le tombeau fut abandonné, et Michel-Ange se trouva non seulement humilié, mais endetté par les dépenses qu’il avait faites pour l’œuvre.[1] Il se plaignit amèrement. Le pape lui fit fermer sa porte ; et, comme il revenait à la charge, Jules II le fit chasser du Vatican par un de ses palefreniers.

Un évêque de Lucques, qui assistait à la scène, dit au palefrenier :

— « Vous ne le connaissez donc pas ? »

Le palefrenier dit à Michel-Ange :

— « Pardonnez-moi, monsieur, mais j’ai reçu cet ordre, et je dois l’exécuter. »

Michel-Ange rentra chez lui et écrivit au pape :

« Saint-Père. J’ai été chassé du palais, ce matin, sur l’ordre de Votre Sainteté. Je vous fais savoir qu’à partir

    sant pas, il chercha à gagner sur ses travaux, en faisant bâtir ses murs en mauvais matériaux, d’une solidité insuffisante. Chacun peut le constater dans ses constructions de Saint-Pierre, du corridor du Belvédère, du cloître de Santo Pietro ad Vincula, etc., qu’il a été nécessaire de soutenir récemment par des crampons et des contreboutants, parce qu’elles tombèrent, ou seraient tombées en peu de temps. »

  1. « Lorsque le pape changea de fantaisie, et que les barques arrivèrent avec des marbres de Carrare, je dus payer moi-même le fret. Dans ce même temps des tailleurs de pierres, que j’avais fait venir de Florence pour le tombeau, arrivèrent à Rome ; et comme j’avais fait installer et meubler pour eux la maison que Jules m’avait donnée derrière Santa Caterina, je me vis sans argent et dans un grand embarras… » (Lettre déjà citée d’octobre 1542)
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