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la vie de Michel-Ange

Lorsque Jules II partit en guerre contre Pérouse et Bologne,[1] et que ses sommations devinrent plus menaçantes, Michel-Ange songea à passer en Turquie, où le sultan lui faisait offrir par les Franciscains de venir à Constantinople, pour bâtir un pont à Péra.[2]

Enfin, il fallut céder ; et, dans les derniers jours de novembre 1506, il se rendit en rechignant à Bologne, où Jules II, vainqueur, venait d’entrer par la brèche.

« Un matin, Michel-Ange était allé entendre la messe à San Petronio. Le palefrenier du pape l’aperçut, le reconnut et le conduisit devant Jules II, qui était à table au palais des Seize. Le pape, irrité, lui dit : « C’était à toi de venir Nous chercher (à Rome) ; et tu as attendu que Nous vinssions te trouver (à Bologne) ! » — Michel-Ange s’agenouilla et demanda pardon à haute voix, disant qu’il n’avait pas agi par malice, mais par irritation, parce qu’il n’avait pu supporter d’être chassé, comme on avait fait. Le pape demeurait assis, la tête baissée, le visage enflammé de colère, quand un évêque, que Soderini avait envoyé pour prendre la défense de Michel-Ange, voulut s’interposer, et dit : « Que Votre Sainteté veuille bien ne pas faire attention à ses sottises : il a péché par ignorance. En dehors de leur art, les peintres sont tous de même. » Le pape, furieux, cria : « Tu lui dis une grossièreté, que Nous ne lui avons pas dite. L’ignorant, c’est toi !… Va-t-en, et que le

  1. Fin d’août 1506.
  2. Gondivi. — Michel-Ange avait eu déjà l’idée d’aller en Turquie, en 1504 ; et, en 1519, il fut en relations avec « le seigneur d’Andrinople », qui lui demandait de venir exécuter pour lui des peintures.

    On sait que Léonard de Vinci avait été aussi tenté de passer en Turquie.

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