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LA FORCE

L’affront qu’il avait subi de Jules II n’était pas la seule raison qui eût déterminé Michel-Ange à la fuite. Dans une lettre à Giuliano da San Gallo, il laisse entendre que Bramante voulait le faire assassiner.[1]

Michel-Ange parti, Bramante resta seul maître. Le lendemain de la fuite de son rival, il fit poser la première pierre de Saint-Pierre.[2] Sa rancune implacable s’acharna après l’œuvre de Michel-Ange, et s’arrangea de façon à la ruiner pour jamais. Il fit piller par la populace le chantier de la place Saint-Pierre, où étaient amassés les blocs de marbre pour le tombeau de Jules II.[3]

Cependant, le pape, enragé de la révolte de son sculpteur, envoyait bref sur bref à la Seigneurie de Florence, où Michel-Ange s’était réfugié. La Seigneurie fit venir Michel-Ange, et lui dit : « Tu as joué au pape un tour, comme le roi de France lui-même n’en eût pas fait. Nous ne voulons pas, à cause de toi, nous engager dans une guerre avec lui : ainsi il faut que tu retournes à Rome ; nous te donnerons des lettres d’un tel poids, que toute injustice qui te serait faite, serait faite à la Seigneurie. »[4]

Michel-Ange s’entêtait. Il posait ses conditions. Il exigeait que Jules II lui laissât faire son tombeau, et il entendait y travailler non plus à Rome, mais à Florence.

  1. « Ce n’était pas là l’unique cause de mon départ ; il y avait encore autre chose, dont j’aime mieux ne pas parler. Il suffit de dire que cela me donna à penser que, si je restais à Rome, cette ville serait mon tombeau, plutôt que celui du pape. Et ce fut la cause de mon départ subit. »
  2. 18 avril 1506.
  3. Lettre d’octobre 1542.
  4. Ibid.
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