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la vie de Michel-Ange

avances d’argent que lui a faites Michel-Ange, le harcèle impudemment et se vante d’avoir plus dépensé pour lui qu’il n’en a reçu :

Je voudrais bien savoir de ton ingratitude, lui écrit Michel-Ange, d’où tu tiens ton argent ; je voudrais bien savoir si tu tiens compte des 228 ducats que vous m’avez pris à la banque de Santa Maria Nuova, et de bien d’autres centaines de ducats que j’ai envoyées à la maison, et des peines et des soucis que j’ai eus pour vous entretenir. Je voudrais bien savoir si tu tiens compte de tout cela ! — Si tu avais assez d’intelligence pour reconnaître la vérité, tu ne dirais pas : « J’ai dépensé tant du mien », et tu ne serais pas venu me relancer ici, pour me tourmenter de tes affaires, sans te souvenir de toute ma conduite passée, à votre égard. Tu aurais dit : « Michel-Ange sait ce qu’il nous a écrit ; s’il ne le fait pas maintenant, c’est qu’il doit en être empêché par quelque chose que nous ne savons pas : soyons patients. » Quand un cheval court autant qu’il peut, il n’est pas bon de lui donner de l’éperon, pour qu’il coure plus qu’il ne peut. Mais vous ne m’avez jamais connu, et vous ne me connaissez pas. Dieu vous pardonne ! C’est lui qui m’a accordé la grâce de suffire à tout ce que j’ai fait pour vous aider. Mais vous ne le reconnaîtrez que quand vous ne m’aurez plus.[1]

Telle était l’atmosphère d’ingratitude et d’envie, où Michel-Ange se débattait, entre une famille indigne qui le harcelait et des ennemis acharnés qui l’épiaient, escomptant son échec. Et lui, pendant ce temps, accomplissait l’œuvre héroïque de la Sixtine. Mais au prix de quels efforts désespérés ! Peu s’en fallut qu’il abandonnât tout et s’enfuît de nouveau. Il croyait qu’il allait mourir.[2] Il l’eût voulu peut-être.

  1. Lettre à Buonarroto, 30 juillet 1513.
  2. Lettres, août 1512.
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