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II

LA FORCE QUI SE BRISE


Roct’ è l’alta cholonna.[1]


Michel-Ange sortit de ce travail d’Hercule, glorieux et brisé. À tenir, pendant des mois, la tête renversée pour peindre la voûte de la Sixtine, « il s’était abîmé la vue de telle sorte, que longtemps après il ne pouvait lire une lettre, pu regarder un objet, qu’en les tenant au-dessus de sa tête, pour les mieux voir ».[2]

Il plaisantait lui-même de ses infirmités :

La peine m’a fait un goître, comme l’eau en fait aux chats de Lombardie… Mon ventre pointe vers mon menton, ma barbe se rebrousse vers le ciel, mon crâne s’appuie sur mon dos, ma poitrine est comme celle d’une harpie ; le pinceau, en s’égouttant sur mon visage, y a fait un carrelage bariolé. Mes lombes me sont rentrés dans le corps, et mon derrière fait contrepoids. Je marche au hasard, sans que je puisse voir mes pieds. Ma peau s’allonge par devant et se ratatine par derrière : je suis tendu comme un arc syrien.

  1. Poésies, I.
  2. Vasari.
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