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LA FORCE QUI SE BRISE

Puis ce sont des gémissements de douleur :

Ah ! souffrance infinie, qui déchire mon cœur, quand il pense que celle que j’aime tant ne m’aime point ! Comment vivre ?…

Ahi, che doglia ’nfinita
Sente ’l mio cor, quando li torna a mente,
Che quella ch’io tant’ amo amor non sente !
Come restero ’n vita ?[1]

Ces lignes encore, écrites auprès d’études pour la Madone de la chapelle des Médicis :

Seul, je reste brûlant dans l’ombre, quand le soleil dépouille le monde de ses rayons. Chacun se réjouit ; et moi, étendu sur la terre, dans la douleur, je gémis et je pleure.[2]

L’amour est absent des puissantes sculptures et des peintures de Michel-Ange ; il n’y a fait entendre que ses pensées les plus héroïques. Il semble qu’il ait eu honte d’y mêler les faiblesses de son cœur. À la poésie seule il s’est confié. C’est là qu’il faut chercher

  1. Poésies, XIII.

    Du même temps, un madrigal célèbre, que le compositeur Bartolommeo Tromboncino mit en musique, avant 1518 :

    « Comment aurai-je le courage de vivre sans vous, mon bien, si je ne puis vous demander assistance, en partant ? Ces sanglots, ces pleurs, ces soupirs, avec lesquels mon misérable cœur vous suit, vous ont montré, madame, ma mort prochaine et mon martyre. Mais s’il est vrai que l’absence ne fera jamais oublier mon fidèle servage, je laisse mon cœur avec vous : mon cœur n’est plus à moi. » (Poésies, XI. — Voir aux Annexes, VI)

  2. Sol’ io ardendo all’ ombra mi rimango,
    Quand’ el sol de suo razi el monda spoglia ;
    Ogni altro per piaciere, e io per doglia,
    Prostrato in terra, mi lamento e piangho.

    (Ibid., XXII)

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