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LA FORCE QUI SE BRISE

milieu des carrières et des chemins boueux. Le 10 mars 1520, un bref du pape délia Michel-Ange du contrat de 1518 pour la façade de Saint-Laurent. Michel-Ange n’en reçut avis que par l’arrivée à Pietrasanta des équipes d’ouvriers envoyés pour le remplacer. Il en fut cruellement blessé.

« Je ne compte pas au cardinal, dit-il, les trois ans que j’ai perdus ici. Je ne lui compte pas que je suis ruiné par cette œuvre de Saint-Laurent. Je ne lui compte pas le très grand affront que l’on m’a fait, en me donnant cette commande, et puis en me la retirant : et je ne sais pas seulement pourquoi ! Je ne lui compte pas tout ce que j’ai perdu et tout ce que j’ai dépensé… Et maintenant, cela peut se résumer ainsi : le pape Léon reprend la carrière avec les blocs taillés ; il me reste l’argent que j’ai en main : — 500 ducats ; — et l’on me rend ma liberté ! »[1]

Ce n’étaient pas ses protecteurs que Michel-Ange devait accuser : c’était lui-même, et il le savait bien. C’était là la pire douleur. Il se débattait contre lui-même. De 1515 à 1520, dans la plénitude de sa force, et débordant de génie, qu’avait-il fait ? — Le fade Christ de la Minerve, — une œuvre de Michel-Ange où Michel-Ange n’est pas ! — Encore ne put-il même pas l’achever.[2]

  1. Lettres, 1520 (édition Milanesi, page 415).
  2. Michel-Ange confia le soin de terminer ce Christ à son maladroit disciple Pietro Urbano, qui « l’estropia ». (Lettre de Sébastien del Piombo à Michel-Ange, 6 septembre 1521) Le sculpteur Frizzi, de Rome, répara tant bien que mal les dégâts.

    Tous ces déboires n’empêchaient pas Michel-Ange de chercher de nouvelles tâches à ajouter à celles qui l’écrasaient. Le 20 octobre 1519, il signa la requête des Académiciens de Florence à

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