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la vie de Michel-Ange

son travail et par l’angoisse de ne le pouvoir faire. Il était talonné par ses autres engagements auxquels il ne pouvait satisfaire.[1]

« Je meurs d’impatience, parce que mon mauvais destin ne me permet pas de faire ce que je voulais… Je meurs de douleur, je me fais l’effet d’un trompeur, bien que ce ne soit point ma faute… »[2]

Revenu à Florence, il se rongeait en attendant l’arrivée des convois de marbre ; mais l’Arno était à sec, les barques chargées de blocs ne pouvaient remonter le fleuve.

Enfin elles arrivèrent : va-t-il se mettre au travail, cette fois ? — Non. Il retourne aux carrières. Il s’obstine à ne pas commencer, avant d’avoir réuni, comme autrefois pour le tombeau de Jules II, toute une montagne de marbre. Il recule toujours le moment de commencer ; il en a peur peut-être. N’a-t-il pas trop promis ? Ne s’est-il pas engagé d’une façon téméraire dans ce grand travail d’architecture ? Ce n’est point là son métier : où l’aurait-il appris ? Et maintenant, il ne peut plus avancer, ni reculer.

Tant de peines ne réussissaient même point à assurer le transport des marbres. Sur six colonnes monolithiques envoyées à Florence, quatre se brisèrent en route, une à Florence même. Il était la dupe de ses ouvriers.

À la fin, le pape et le cardinal de Médicis s’impatientèrent de tant de temps précieux, inutilement perdu au

  1. Le Christ de la Minerve, et le tombeau de Jules II.
  2. Lettre du 21 décembre 1518 au cardinal d’Agen. — De ce temps semblent être les quatre statues informes, à peine ébauchées, des grottes Boboli. (Quatre Esclaves, pour le tombeau de Jules II)
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