Page:Romains - Les Copains.djvu/119

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Jusque vers six heures ils dormirent chacun pour soi. Chacun fut le maître d’une belle contrée pleine d’agitation et d’aventures. Chacun était étendu dans son grand lit. Chaque tête, à demi enfoncée dans des choses blanches, était comme une source ; et les songes ne se mêlaient pas.

Puis, vers six heures, une cloche tranquille mais obstinée frappa sur le village comme sur une enclume. De l’âme jaillit, çà et là. Tous les dormeurs de la vallée rêvèrent que le matin était venu. Les songes ne furent plus seulement éclairés par la lumière qui leur est propre. Le soleil y entra, comme par les trous d’un volet.

Bénin et Broudier perçurent vaguement qu’ils dormaient dans la même chambre.

Puis ils sentirent un picotement à la surface de leur sommeil. Comme des gouttes de pluie qui tapotent sur des vitres, les choses du dehors leur arrivaient dessus.

Ils pensèrent l’un et l’autre qu’ils allaient se réveiller.