Page:Romains - Les Copains.djvu/45

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obstant, je n’entreprends rien de grave que je ne les aie consultées.

— Tu es logique.

— Messieurs, je suis hésitant par nature, et indécis. Je pèse le moindre de mes actes futurs à des balances de plus en plus fines. La plus fine ne m’assure pas encore. Le matin surtout, après mon réveil, je m’abîme en conjectures craintives, en supputations décourageantes. Le soir, vers onze heures ou minuit, j’ai à la fois des vues plus amples, une volonté plus cavalière, un détachement de la vie qui se tourne en mépris du risque. Par malheur, je ne prends mes résolutions que le matin ; c’est un principe. Je serais donc fort exposé à n’en jamais prendre aucune, si les somnambules n’existaient pas. Je vais à leur repaire. Je les interroge. Je reçois le plus souvent des réponses molles et obscures ; mais je pousse mon oracle, je l’accule, je le serre dans l’étau d’une alternative : oui ou non ? Il se prononce. Me voilà soulagé. Si c’est non, j’oublie mon dessein,