Page:Romains - Les Copains.djvu/57

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à la précédente. Il n’y a rien de plus naïf, de plus désarmé qu’une file indienne dans la nuit. Bénin seul existait avec plénitude. Il s’accroissait même. Tous les copains faisaient partie de son corps.

Bénin en arrivait à acquérir des pouvoirs nouveaux. Il se dirigeait avec aisance. Il avait l’impression d’y voir clair. Ni inquiétude, ni timidité. Trois mille sergots sur deux rangs n’auraient pas arrêté sa marche. Et il n’aurait hésité qu’un instant à prendre d’assaut Gibraltar.

En passant devant la loge il cria :

— Les copains !

Puis, d’une main qui ne tremblait pas, il ouvrit une porte vitrée, et s’engagea dans une cour.

L’ombre de la cour était plus traitable que la nuit du corridor. La lueur de la ville tombait là-dedans comme la poussière d’un tapis. Rassurée, la file indienne se disloqua Bénin perdit de son importance.

Ce fut pourtant lui — quel autre l’eût pu