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W. FŒRSTER

temps, tant qu’enfin un des frères du couvent, surpris de ne pas le voir à la messe, l’épia et découvrit son secret. Après avoir été témoin de ce singulier service divin, il s’empressa d’aller en faire part à l’abbé. Celui-ci, qui en croyait à peine ses oreilles, se rendit dans la crypte et arriva pour voir un miracle touchant : comme le pauvre jon gleur, ayant fini par perdre connaissance de fatigue, était tombé au pied de l’autel, Marie descendit du ciel accompagnée de sa suite d’anges, et avec une « touaille » en guise d’éventail, elle se mit à éventer doucement son ménestrel qui ne s’en apercevait pas ’ . Bientôt après le jongleur mourut et les anges emportèrent son âme dans le séjour des bienheureux. Telle est dans ses traits principaux l’histoire de ce ménestrel méprisé : elle est remarquable à la fois par sa simplicité et sa candide naïveté. Si le sujet fait sourire en lui-même, l’innocence enfantine, la foi ardente, le renoncement absolu à la vie mondaine dont le récit est empreint, sur passent tout ce que peut imaginer l’âme la plus pieuse, et prend la forme de la plus charmante poésie. Si c’est un témoignage éclatant de foi, c’est plus encore un vrai joyau poétique.

Cette pièce se trouve dans le manuscrit de l’Arsenal B. L. fr. n° 283 (f. 132ra-133vb.), et nous avons été étonné de ne pas la rencontrer dans les Miracles de Marie de Gautier de Coinci, qui pourtant aussi nous raconte une faveur de la Vierge à un jongleur. N’ayant pas rencontré ce morceau dans l’édition de l’abbé Poquet, nous l’avons cherché en vain dans cinq manuscrits que la Bibliothèque nationale possède du même ouvrage et dans deux textes latins des MiraculaB. M.V., et nous ne som mes pas en état d’en indiquer la source, bien que l’auteur prétende avoir puisé dans les vies des anciens Pères. Peut-être quelqu’un sera-t-il plus heureux que nous dans ces recherches. Outre ce manuscrit, il doit y en avoir un autre dans une des bibliothèques de Paris, car Carpentier cite s. v. tombare dans ses additions au glossaire de Ducange quinze vers de la même pièce, « ex manusc. miraculis B. M. V. libro primo », mais nous n’avons pas pu le trouver. En tout cas ce ne saurait être le manuscrit de l’Arsenal dont nous avons tiré notre pièce, parce que son contenu est en désaccord avec le titre donné par Carpentier et que déjà ces quinze vers offrent quelques variantes au texte que nous publions.

Le manuscrit est fort maltraité : environ quatorze feuilles ont été coupées 2. La plupart des miniatures ont été enlevées, au grand dommage du texte. On trouvera la table des pièces contenues dans ce volume dans la notice des manuscrits du Roman des Sept Sages, faite par Leroux de


  1. Tel est le sujet de la miniature qui se trouve dans le manuscrit au bas de la première colonne (132r) de la page où commence notre poëme.
  2. Ce sont les feuilles 2, 3, 8, 23, 36, 43, 51, 52, 53, 301, 354-357.