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Page:Romeuf - Édouard Schuré, 1898.djvu/31

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fièvre dionysiaque, comme cette fureur sacrée qui poussait les daïmones et les prêtres vers le trépied fumant, dans une anxiété inouïe de déchiffrer l’indéchiffrable, de livrer enfin aux hommes le Secret redoutable qui, depuis les origines, menace et horrifie leurs têtes.

On ne saurait quitter le théâtre d’Édouard Schuré sans faire remarquer que là comme dans le reste de son œuvre, règne une absolue, une étonnante chasteté.

C’est quand tous les ressorts de l’être sont déclanchés, quand la chair parle, comme dans la Lucile de La Sœur Gardienne, que s’aperçoit ce souci persistant de rester pur. Souci ? Peut-être pas. Mais la tendance naturelle d’un écrivain chez lequel le cerveau a tout accaparé, qui ne s’embrase que pour les tâches augustes de la Pensée et ne souligne, des troubles charnels, que leur répercussion animique.

Et pourtant, je le répète, il se trouve des situations (voir la Prêtresse d’Isis, la Roussalka) où le déchaînement des sens découle, très intense, de la trame elle-même, où l’on sent que le corps du héros ou de l’héroïne demeure, autant que son âme, la proie totale de la passion. Et bien, même alors, fond et forme restent limpides et sains. Il y a des nuances très fines, des mots exceptionnels pour traduire ces grands désordres que la plupart ne pourraient voiler. Et c’est bien là un des traits les plus symptomatiques du