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II. LIVRE

De la peau d’vne eſtrange beſte
Tu t’eſlances dehors.
Au ſeul ſouſpir de ton haleine
Les chiens effroyez par la plaine
Aguiſent leurs abois :
Les fleuues contremont reculent,
Les loups ſuiuant ta trace hurlent
Ton ombre par les bois.
Hoſteſſe des lieux ſolitaires,
Et par l’horreur des cimetaires
Où tu hantes le plus,
Au ſon des vers que tu murmures,
Les corps des morts tu deſ-emmures
De leurs tombeaux reclus.
Veſtant de l’vn l’image vaine
Tu fais trembler & cœur & veine
(Rebarbotant vn ſort)
A la veuſue qui ſe tourmente
Ou à la mere qui lamente
Son ſeul heritier mort.
Tu fais que la Lune enchantée
Marche par l’air toute argentée,
Luy dardant d’icy bas
Telle couleur aux iouës palles,
Que le ſon de mille cymbales
Ne diuertiroit pas.
Tu es la frayeur du village :
Chacun craignant ton ſorcelage
Te ferme ſa maiſon,
Tremblant de peur que tu ne taches
Ses bœufs, ſes moutons, & ſes vaches,
Du Tact de ta poiſon.