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iv
PIERRE DE RONSARD

tude qu’après 1550. Par deux fois la littérature française, d’ordinaire si logique et si progressive en ses changements, a fourni l’exemple d’un rajeunissement éclatant et spontané.

Égal d’Hugo pour le don lyrique, Ronsard est à plus haut rang comme chef d’école. Tous ses contemporains se sont inclinés devant lui, à la suite de son grand disciple, Joachim du Bellay. Il a été pour eux le maître, l’inventeur, l’unique « capitaine de bataille » dans la « guerre contre l’ignorance » C’est par lui qu’une génération a su rompre avec une tradition mal héritée du moyen âge, qui se traînait dans l’épuisement et se relevait en efforts inutiles par de médiocres imitations de l’Italie. Prenant directement à l’Antiquité, et surtout à la grecque, la nourriture de son esprit, il a implanté chez nous une autre tradition, celle de la Grèce et de Rome, qui a revivifié notre poésie. Il a donné à celle-ci sa langue et son style. L’indigence dont elle souffrait avant lui la condamnait aux petits chefs-d’œuvre d’esprit et de badinage, et Marot lui-même ne lui offrait rien de plus. Ronsard l’a rendue capable d’ennoblir les sujets les plus humbles et d’aborder les plus élevés. Il a introduit en France ou renouvelé tous les genres, excellé dans plusieurs, ouvert les routes les plus difficiles et pressenti presque toujours ce qu’il n’a pas réalisé.

Le XVIIe siècle, né de Ronsard pour la poésie,