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Page:Ronsard - Œuvres complètes, Garnier, 1923, tome 1.djvu/18

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viii
PIERRE DE RONSARD

naissance enivrée. Quarante ans plus tard, la plume du vieux Pasquier frémit encore en les contant, et D’Aubigné, qui professa toujours le culte du maître, se console mal de n’avoir pas été de la première « bande ». Baïf en fut, avec Jean de La Péruse, Olivier de Magny et tous les gais compagnons qui couronnèrent de fleurs le bouc de Jodelle. Mais une opposition se montra féroce. Bien des « gens de lettres » (le mot est du temps), qui sentaient la nécessité d’une réforme, et dont un Art poétique récemment publié par l’avocat Sébilet résumait les aspirations modérées, trouvèrent qu’un Ronsard allait trop loin, quand il rejetait avec des formules de mépris tout ce qui fut rimé avant lui : « L’imitation des nôtres m’est tant odieuse, affirmait-il, (d’autant que la langue est encore dans son enfance), que pour cette raison je me suis éloigné d’eux, prenant style à part, sens à part, œuvre à part, ne désirant avoir rien de commun avec une si monstrueuse erreur ». On disait ce jeune audacieux « vanteur et glouton de louange », et Du Bellay, de son côté, trouvait dans maint libelle d’ironiques réfutations du sien. Mais là-même où ils se trompaient, ils avaient eu raison de frapper fort ; la jeunesse, qu’ils voulaient à eux, ne se rallie qu’aux thèses tranchées et aux convictions agressives.

Tandis que celle-ci venait aux novateurs dès leur appel, la Cour, déjà régulatrice des mœurs