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PIERRE DE RONSARD

du recueil et dans les éditions complétées garderont la place d’honneur.

Dorat, qui en a suggéré l’idée à son brillant écolier et lui en offre l’exemple en ses odes latines, sait quelle libération de telles compositions apporteront à la poésie, capable désormais de mener son vol en plein ciel. Il y a excès, sans doute, à décalquer le strict groupement de la strophe, de l’antistrophe et de l’épode, et le désordre artificiel des poèmes où le Thébain honorait les vainqueurs des jeux de la Grèce, leur famille et leur cité. Mais quelle grandeur dans la conception du rôle du poète, éducateur des hommes, qui sait dire la vérité aux puissants, flétrir les méchants, distribuer aux héros les palmes de l’immortalité, et transmettre en sentences majestueuses la sagesse antique ! En célébrant la victoire du duc d’Enghien à Cérisoles ou le succès de Jarnac dans son duel avec La Chasteigneraye, en louangeant pour l’honneur de la patrie le roi Henri, la reine Catherine, Madame Marguerite, le cardinal de Lorraine et le futur chancelier de L’Hospital, comme aussi ses compagnons de poésie, Ronsard abusait d’une mythologie familière aux auditeurs De Pindare, insipide pour des Français de son temps. Il est obscur avec délice, pédant avec obstination, et le savant mécanisme de ses rythmes n’a d’autre mérite que celui de la difficulté vaincue. Cependant l’ouvrage est vraiment neuf et d’une