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PIERRE DE RONSARD

paraissent à une heure des plus cruelles, quand la discorde civile, depuis longtemps contenue par une forte puissance royale sous François Ier et Henri II, se déchaîne sous des prétextes religieux et va mettre en péril l’unité même de la France. Ronsard a le sens national trop juste pour ne pas voir la nécessité de se rallier, dans une crise aussi grave, autour de l’institution monarchique. Un instinct de tradition non moins pressant le porte à défendre en même temps le catholicisme, qui est un lien entre les Français, et à combattre le parti des princes huguenots portés, dès l’origine des troubles, à s’appuyer sur l’étranger. Quoi qu’on puisse penser de la place qu’il s’assigne dans la bataille des esprits, il sait la tenir avec honneur. Rien ne l’obligeait à en prendre une, et personne n’attendait que le poète des Amours se mît à porter des coups et s’exposât à en recevoir. N’ayant aucun profit à en retirer, il y risquait sa réputation, plus tard même sa sécurité. L’ardeur d’une foi patriotique et quelque goût naturel pour la lutte l’ont jeté dans celle-ci ; mais d’abord la souffrance des humbles l’a ému, et il n’a pu supporter sans s’indigner le spectacle des provinces ravagées par les hommes d’armes :

Voyant le laboureur tout pensif et tout morne,
L’un traîner en pleurant sa vache par la corne,
L’autre porter au col ses enfants et son lit,