CHANSON
Veu que tu es plus blanche que le liz,
Qui t’a rougy ta lévre vermeillette ?
Qui est l’ouvrier qui proprement t’a mis
Dessus ton sein ceste couleur rougette ?
Qui t’a noircy les arcs de tes sourcis ?
Qui t’a bruny tes beaux yeux, ma maistresse ?
0 grand’ beauté qui causes mes soucis !
O grand’ beauté qui causes ma liesse !
O douce, belle, honneste cruauté,
Qui doucement me contrains de te suivre !
O fiere, ingrate, et fascheuse beauté !
Avecque toy je veux mourir et vivre.
BELLEAU
Veu que tu es plus blanche que le Hz.) Il descrit une
beauté telle que les anciens Grecs et Romains ont tousjours
estimée. Manille aussi, Grec de nation (duquel
l’Autheur a pris ceste chanson) l’avoit choisie suivant
la naturelle affection de son pays. Puis il finist, honorant
et accusant ceste beauté, comme la seule des passions
diverses qui le contraignent de la suivre.
Manille,
Cum tu candida sis magis ligustro,
Quis génas minio Neaera tinxit ?
LIIII
Chacun qui voit ma couleur triste et noire,
Me dit, Ronsard, vous estes amoureux :