Page:Ronsard - Œuvres complètes, Garnier, 1923, tome 2.djvu/163

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Je l’ay veu fier et brave,
Avant que ta beauté
Pour estre son esclave
Du sein me l’eust osté :
Mais son mal luy plaist bien,
Pourveu qu’il meure tien.
Belle, par qui je donne
A mes yeux tant d’esmoy,
Baise moy ma mignonne,
Cent fois rebaise moy :
Et quoy ? faut-il en vain
Languir dessus mon sein ?
Maistresse, je n’ay garde
De vouloir t’esveiller.
Heureux quand je regarde
Tes beaux yeux sommeiller :
Heureux quand je les voy
Endormis dessus moy.
Veux- tu que je les baise
Afin de les ouvrir ?
Hà, tu fais la mauvaise
Pour me faire mourir :
Je meurs entre tes bras,
Et s’il ne t’en chaut pas !
Hà ! ma chere ennemie,
Si tu veux m’appaiser,
Redonne moy la vie
Par l’esprit d’un baiser.
Hà ! j’en ay la douceur
Sentie au fond du cœur.
C’est une brusque rage
Qui nous poinct doucement,