Page:Ronsard - Œuvres complètes, Garnier, 1923, tome 2.djvu/185

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Le mesme Amour qui la suivoit,
En terre apparoist en sa face,
Fors que ses yeux sont plus ardans,
Où plus à clair je voy dedans
Ma mort, et ma vie.
Elle a les mesmes beaux cheveux,
Et le mesme trait de la bouche,
Dont le doux ris, et les doux nœuds
Eussent lié le plus farouche :
Le mesme parler, qui souloit
Mettre en doute, quand il vouloit
Ma mort, et ma vie.
Puis d’un beau jour qui point ne faut,
Dont sa belle ame est allumée,
Je la voy retourner là haut
Dedans sa place accoustumée,
Et semble aux anges deviser
De ma peine, et favoriser
Ma mort, et ma vie.
Chanson, mais complainte d’amour,
Qui rends de mon mal tesmoignage,
Fuy la court, le monde, et le jour :
Va-t’en dans quelque bois sauvage,
Et de là ta dolente vois
Annonce aux rochers, et aux bois
Ma mort, et ma vie,
L’amant et l’amie,
Plaints, souspirs, et pleurs,
Douleurs sus douleurs.