Page:Ronsard - Œuvres complètes, Garnier, 1923, tome 2.djvu/319

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Esperer sans espoir, confort sans reconfort,
Sont vrais signes d’amour, nous entr’aimons bien fort :
Car nous avons tousjours ou la guerre, ou la paix.


XXII

Quoy ? me donner congé d’embrasser chaque femme,
Mon feu des-attizer au premier corps venu,
Ainsi qu’un vagabond, sans estre retenu,
Abandonner la bride au vouloir de ma name :
Non, ce n’est pas aimer. L’Archer ne vous entame
Qu’un peu le haut du cœur d’un traict foible et menu.
Si d’un coup bien profond il vous estoit cognu,
Ce ne serait que soulfre et braise de vostre ame.
En soupçon de vostre ombre en tous lieux vous se-A
toute heure, en tous temps, jalouse me suivriez, [riez :
D’ardeur et de fureur et de crainte allumée.
Amour au petit pas, non au gallop vous court,
Et vostre amitié n’est qu’une flame de Court,
Où peu de feu se trouve, et beaucoup de fumée.


XXIII

Je t’avois despitée, et ja trois mois passez
Se perdoient, Temps ingrat, que je ne t’avois veuë,
Quand destournant sur moy les esclairs de ta veuë,
Je senty la vertu de tes yeux offensez.
Puis tout aussi soudain que les feux eslancez,
Qui par le ciel obscur s’esclattent de la nuë,
Rasserenant l’ardeur de ta cholere esmeuë,
Sou-riant tu rendis mes pechez effacez,