Page:Ronsard - Œuvres complètes, Garnier, 1923, tome 2.djvu/331

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Pour effacer le regret de sa femme,
Et son chemin aneantit sa flame.
Quand le Soleil s’abaissoit et levoit,
Tousjours pleurant et criant le trouvoit
Dessous un roc, couché contre la terre,
Où ses pensers lui faisoient une guerre :
Et ressembloit non un corps animé,
Ains un rocher en homme transformé.
Mais aussi tost qu’il laissa sa contrée,
Autre amour neuve en son cœur est entrée,
Et se guarit en changeant de pays.
Pour Eurydice il aima Calais,
Empoisonnant tout son cœur de la peste
De cest enfant : je me tairay du reste.
De membre à membre il en fut detranché :
» Sans chastiment ne s’enfuit le peché.


XLI

Trois jours sont ja passez, que je suis affamé
De vostre doux regard, et qu’à l’enfant je semble
Que sa nourrice laisse, et qui crie et qui tremble
De faim en son berceau, dont il est consommé.
Puisque mon œil ne voit le vostre tant aimé,
Qui ma vie et ma mort en un regard assemble,
Vous deviez pour le moins m’escrire, ce me semble :
Mais vous avez le cœur d’un rocher enfermé.
Fiere, ingrate beauté trop hautement superbe,
Vostre courage dur n’a pitié de l’amour,
Ny de mon palle teint ja flestry comme une herbe.