Page:Ronsard - Œuvres complètes, Garnier, 1923, tome 2.djvu/481

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Attendant qu’Apollon m’eschauffe le courage
De chanter tes jardins, ton clos, et ton bocage,
Ton bel air, ta riviere et les champs d’alentour
Qui sont* toute l’année eschauffez d’un beau jour,
Ta forest d’orangers, dont la perruque verte
De cheveux eternels en tout temps est couverte,
Et tousjours son fruit d’or de ses fueilles defend,
Comme une mere fait de ses bras son enfant.
Prens ce Livre pour gage, et luy fais, je te prie,
Ouvrir en ma faveur ta belle Librairie,
Où logent sans parler tant d’hostes estrangers
Car il sent aussi bon que font tes orangers.


A LUY-MESME

[Amours diverses, dans les Œuvres. 1584.]


Encor que vous soyez tout seul vostre lumiere,
Je vous donne du feu, non pas feu proprement,
Mais matiere qui peut s’allumer promptement,
La Cire, des liqueurs en clairté la premiere.
Secondant tous les soirs vostre charge ordinaire,
Elle sera tesmoin que delicatement
Vous ne passez les nuicts, mais que soigneusement
Vous veillez jusqu’au poinct que le jour vous esclaire.
Circe tenoit tousjours des Cedres allumez
Pour ses flambeaux de nuict : vos yeux accoutumez
A veiller, pour du Cedre auront ceste Bougie.
Recevez, Villeroy, de bon cœur ce present,
Qui ja se resjouist, et bien-heureux se sent
De perdre, en vous servant, sa matiere et sa vie.