Page:Ronsard - Œuvres complètes, Garnier, 1923, tome 2.djvu/483

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La goutte ja vieillard me bourrela les veines,
Les muscles et les nerfs, execrable douleur,
Monstrant en cent façons, par cent diverses peines,
Que l’homme n’est sinon le subject de malheur,
L’un meurt en son printemps, l’autre attend la vieillesse
Le trespas est tout un, les accidens divers :
Le vray tresor de l’homme est la verte jeunesse,
Le reste de nos ans ne sont que des hivers.
Pour long temps conserver telle richesse entiere
Ne force ta nature, ains ensuy la raison :
Fuy l’amour et le vin, des vices la matiere,
Grand loyer t’en demeure en la vieille saison.
La jeunesse des Dieux aux hommes n’est donnée
Pour gouspiller sa fleur : ainsi qu’on voit fanir
La Rose par le chauld, ainsi mal gouvernée
La jeunesse s’enfuit sans jamais revenir.


I

Je n’ay plus que les os, un Squelette je semble,
Decharné, denervé, demusclé, depoulpé,
Que le trait de la mort sans pardon a frappé,
Je n’ose voir mes bras que de peur je ne tremble.
Apollon et son fils, deux grans maistres ensemble,
Ne me sçauroient guerir, leur mestier m’a trompé :
Adieu plaisant Soleil, mon œil est estoupé,
Mon corps s’en va descendre où tout se desassemble.
Quel amy me voyant en ce poinct despoûillé
Ne remporte au logis un œil triste et mouillé,
Me consolant au lict et me baisant la face,
En essuiant mes yeux par la mort endormis ?
Adieu chers compagnons, adieux mes chers amis,
Je m’en vay le premier vous preparer la place.