Les Astres, le Soleil, et le merveilleux tour
De la voute du Ciel qui nous cerne à l’entour,
Se contentant de voir dessous elle les nues,
La grand’mer ondoyante, et les terres cognues,
Sans plus y retourner : car à la verité
Bien peu se sentiroit de ta benignité
(O gracieuse Mort) si pour la fois seconde
Abandonnoit le Ciel, et revenoit au monde.
Aussi dans ton lien tu ne la peux avoir
Qu’un coup, bien que ta main estende son pouvoir
En cent mille façons sur toute chose née :
» Car naissans nous mourons : telle est la destinée
» Des corps sujets à toy, qui tiens tout, qui prens tout,
Qui n’as en ton pouvoir certaine fin, ne bout :
Et ne fust de Venus l’ame generative,
Qui les fautes repare, et rend la forme vive,
Le monde periroit, mais son germe en refait
Autant de son costé, que ton dard en desfait.
Que ta puissance (ô Mort) est grande et admirable !
Rien au monde par toy ne se dit perdurable :
Mais tout ainsi que l’onde à val des ruisseaux fuit
Le pressant coulement de l’autre qui la suit,
» Ainsi le temps se coule, et le present fait place
» Au futur importun qui les talons lui trace.
» Ce qui fut, se refait : tout coule comme une eau,
» Et rien dessous le ciel ne se voit de nouveau :
Mais la forme se change en une autre nouvelle,
Et ce changement-là, Vivre, au monde s’appelle,
Et Mourir, quand la forme en une autre s’en-va.
Ainsi avec Venus la Nature trouva
Moyen de r’animer par longs et divers changes
(La matiere restant) tout cela que tu manges :
» Mais nostre ame immortelle est tousjours en un lieu,
» Au change non sujette, assise aupres de Dieu,
» Citoyenne à jamais de la ville aetherée,
» Qu’elle avoit si long temps en ce corps desirée.
Je te salue heureuse et profitable Mort,
Des extremes douleurs medecin et confort :
Page:Ronsard - Œuvres complètes, Garnier, 1923, tome 6.djvu/234
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