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Page:Ronsard - Choix de poésies, édition 1862, tome 1.djvu/153

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POUR HÉLÈNE, LIV. II.

Que couteaux, qui sans cesse environnent mon âme
D’orages amoureux, de flammes et de dards ?


VII.


Cythère entrait au bain, et, te voyant près d’elle,
Son ceste[1] elle te baille afin de le garder.
Ceinte de tant d’Amours, tu me vins regarder.
Me tirant de tes yeux une flèche cruelle.

Muses, je suis navré ; ou ma plaie mortelle
Guérissez, ou cessez de plus me commander.
Je ne suis votre école[2] afin de demander
Qui fait la lune vieille ou qui la fait nouvelle ;

Je ne vous fais la cour, comme un homme ocieux[3],
Pour apprendre de vous le mouvement des cieux,
Que peut la grande éclispe, ou que peut la petite,

Ou si Fortune ou Dieu ont fait cet Univers :
Si je ne puis fléchir Hélène par mes vers,
Cherchez autre écolier, Déesses, je vous quitte.


VIII.


Comme un vieil combattant qui ne veut plus s’armer,
Ayant le corps chargé de coups et de vieillesse,
Regarde en s’ébattant l’olympique jeunesse,
Pleine d’un sang bouillant, aux joutes s’escrimer :

Ainsi je regardais du jeune dieu d’aimer,
Dieu qui combat toujours par ruse et par finesse,

  1. Ceste : ceinture. La ceinture de Vénus contenait les Amours, les Jeux et les Ris.
  2. Ces vers sont traduits de Tibulle.
  3. Ocieux : du latin, otiosus, qui a du loisir.