Page:Ronsard - Choix de poésies, édition 1862, tome 1.djvu/23

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
9
DE P. DE RONSARD.

les mains de son intime ami Jean Gallandius. (Galland.)

Mais bientôt, s’abandonnant à l’affection qu’il avait pour sa langue maternelle, « il tascha de la défricher et enrichir, inventant mots nouveaux, rappelant et provignant les vieux, adoptant les étrangers, » enfin désirant que par son industrie elle s’élevât au niveau de la langue grecque et de la langue latine. Tous ses efforts furent dirigés vers un si noble but ; familier avec les auteurs anciens, il se nourrit de toutes les parties de la philosophie, et, descendant de cette hauteur aux boutiques des artisans, il recherchait avec curiosité les termes des métiers, dont il espérait tirer quelque profit.

Muni d’une si docte provision, il osa faire retentir des paroles françaises sur la lyre d’Horace et sur celle de Pindare. Ses premières odes furent accueillies par les applaudissements de tous les gens instruits. Une amitié nouvelle donna bientôt une excitation plus vive à son élan poétique. Vers l’an 1549, revenant d’un voyage de Poitiers à Paris, il fit rencontre de Joachim du Bellay, qui retournait à Paris après avoir achevé ses études en droit. La parenté, moins encore que la même inclination pour les Muses, établit entre eux une liaison intime, et, formant, avec Baïf une sorte de triumvirat littéraire, ils s’efforcèrent de se surpasser les uns les autres pour la plus grande gloire de notre poésie. C’est à cette époque que parurent les Sonnets de Ronsard pour Cassandre, cette belle fille de Blois, dont il était tombé éperdument amoureux lors de son retour d’Allemagne. Dès qu’il eut publié ses Amours et quatre livres d’Odes, son nom ne manqua même pas de la consécration de l’envie et de la médisance. Obscurcis par cette splendeur naissante, mille petits rimeurs « croassèrent »