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Page:Ronsard - Choix de poésies, édition 1862, tome 1.djvu/441

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Si forcenant je n’étais amoureuse,
Et si jamais, pour éviter la mort,
Le fils d’Hector n’eût touché notre bord. »

Comme au printemps on voit une génisse,
Qui n’a le col courbé sous le service,
Les crins épars, courir parmi les champs,
A qui le tan, aux aiguillons tranchants,
Pique la peau et la pousse en furie :
Ni les ruisseaux, hôtes de la prairie,
Forêts ni fleurs, bocage ni rocher
Ne la sauraient engarder de moucher[1],
De toutes parts vagabonde et courante :
Ainsi Clymène, en son esprit errante
Court et recourt, sans voir jamais ôté
L’importun trait qui navre son côté.

« Que dois-je faire ? où irai-je ? dit-elle,
Pour me guérir personne ne m’appelle !
Je meurs sans aide, et si je ne veux pas
Que soeur ni frère entende mon trépas !
Faut-il qu’en pleurs je distille ma vie ?
Que de ma sœur ainsi je me défie,
Qui seule fut mon conseil autrefois,
Qui m’aimait seule, et que seule j’aimois ?
Hélas ! faut-il que mon mal je lui conte !
Eh quoi ! Clymène, auras-tu point de honte
De confesser qu’Amour soit ton vainqueur,
Que tu voulais lui arracher le cœur,
Quand l’autre jour, par un fin artifice,
Tu lui prouvais que l’amour était vice ?
Il ne m’en chaut, elle aura son retour,
La parenté doit surmonter l’amour :
Et si elle est de Francus amoureuse,

  1. De moucher : d’être piquée de la mouche