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Page:Ronsard - Le Bocage, 1554.djvu/61

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Et d’un long lerelot aus forests d’alentour,
Et aus prochaines eaus, decelent leur amour.

Ià les tourtres és bois de leur nic ſe ſouuiennent
Ia haues bec a bec les colombes ſe tiennent,
Ia l’aloüette en l’air des ailes tremouſſant
Degoiſe ſes amours, & l’auette paiſſant
De la cuiſe les fleurs, de ſon plaiſant murmure
Inuite a ſommeiller ſur la ieune verdure,
Où Proque ſe complaint que l’honneur outragé
De Philomel' ſa ſœur n’est pas aßés vangé.

Ceste belle ſaiſon me remet en memoire
Le printans que Iaſon époinçonné de gloire
Eſleut la fleur de Grece, & de ſon auiron
Baloya le premier de Tethys le giron :
Et me remet encor la meurtriere fonteine
Par qui le beau Narßis ayma ſon ombre veine
Coupable de sa mort, car pour trop ſe mirer
Sur le bord étranger lui conuint expirer.

Vne fonteine estoit nette, clere, & sans bourbe,
Enceinte tout au tour d’un beau riuage courbe
Tout bigarré de fleurs, là fleurissoit l’Annis
Là contre mont dreſſoit ſes beaus ceptres, le lis
Là ſentoit bon le tin, l’œillet, la marioleine
Et la fleur d’Adonis, iadis la douce peine
De l’amante Venus, qui chetif ne ſçauoit
Que le deſtin ſi tost aus riues le deuoit,
Pour estre le butin des vierges curieuſes
A remplir leurs cofins des moiſſons amoureuſes.
Nulle Ninfe d’auprés, ni beuf, ni pastoureau,
Ni du haut d’un buiſſon la cheuſte d’vn rameau