Page:Ronsard - Les Amours, 1553.djvu/38

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Je vi tes yeus desous telle planette,
Qu’autre plaisir ne me peut contenter,
Sinon le jour, sinon la nuit, chanter,
Allege moi douce plaisant’ brunette.

O liberté combien je te regrette!
Combien le jour que je vis t’absenter,
Pour me laisser sans espoir tourmenter
En ceste genne, ou si mal on me traite!

L’an est passé, le vintuniesme jour
Du mois d’Avril, que je vins au sejour
De la prison, ou les Amours me pleurent:

Et si ne voi (tant les liens sont fors)
Un seul moïen pour me tirer dehors,
Si par la mort toutes mes mors ne meurent.

MVRET.

Je vi tes yeus.) Il regrette sa liberté , se plaignant d’estre enclos en une prison amoureuse, de laquelle il ne voit moien aucun de sortir que par mort. Ce commencement est de Pétrarque,
In tale stella duo begli occhi vidi.
Allege moi.) C’est une vieille & vulgaire chanson, despuis renouvellée par Clément Marot. Et ne doit sembler étrange, si fauteur en a mis ici le premier verset, veu que ce taut estimé Pétrarque n’a pas dédaigné de mesler parmi ses vers, non seulement des chansons italiennes de Cino, de Dante, de Cavalcante, mais encore une de je ne scai quel Limosin. Le lieu de Pétrarque est,
Non graui al mio Signor, perch'io'l ripreghi,
Da dir libero un di tra l'herba e i fiori
Dret e rason es que cantant io mori.
Ce que si quelqu’un osoit faire en François, dieu sait, comment il seroit receu par nos vénérables Quintils. Ou les Amours me pleurent) Ou je suis si mal-traitté, que mesme les Amours aians pitié de moi, en larmoient.