Page:Ronsard - Les Amours, 1553.djvu/54

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Ni autre idole en mon cœur je n'adore.

Ma main ne sait cultiver autre nom,
Et mon papier n'est esmaillé, sinon
De vos beautés que ma plume colore.

MURET.

Ces deus yeus bruns.) Il dit que les yeus de sa dame l’ont tellement asservi, qu’il n’aime a voir autre qu’elle, & ne peut penfser, ni écrire d’autre que d’elle. Esclavé,) captivé, asservi. Mon Tyran,) Amour. Esmaillé,) orné.


Plus tôt le bal de tant d’astres divers
Sera lassé, plus tôt la terre & l’onde,
Et du grand Tout l’ame en tout vagabonde
Animera les abymes ouvers :

Plus tôt les cieus de mer seront couvers,
Plus tôt sans forme ira confus le monde :
Que je soi serf d’une maistresse blonde,
Ou que j’adore une femme aus yeux vers.

Car cet œil brun qui vint premier eteindre
Le jour des miens, les seut si bien ateindre,
Qu’autre œil jamais n’en sera le vainqueur.

Et quant la mort m’aura la vie otée,
Encor là bas, je veus aimer l’Idée
De ces beaus yeus que j’ai fichés au cœur.

MURET.

Plus tot le bal.) Il dit que toutes choses impossibles aviendront plus tôt qu’il soit amoureus de femme, qui ait le visage blond, ou l’œil verd. Car l’œil & le teint brun de sa dame l’ont tellement assugetti, que mesme apres la mort, il en aimera l’Idée, qui est emprainte en son cœur. Il a dit cela mesme en l’Ode a Jaques Pele-