Page:Ronsard - Sonnets pour Hélène - 1921.djvu/109

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.



XLVIII


Ton extrême beauté par ses rais me retarde
Que je n’ose mes yeux sur les tiens asseurer,
Debile je ne puis leurs regards endurer.
Plus le soleil esclaire, et moins on le regarde.

Helas ! tu es trop belle, et tu dois prendre garde
Qu’un Dieu si grand thresor ne puisse desirer,
Qu’il ne t’en-vole au Ciel pour la terre empirer.
« La chose precieuse est de mauvaise garde.

Les Dragons sans dormir tous pleins de cruauté,
Gardoient les pommes d’or pour leur seule beauté :
Le visage trop beau n’est pas chose trop bonne.

Danaé le sceut bien, qui sentit l’or trompeur.
Mais l’or qui domte tout, devant tes yeux s’estonne,
Tant ta chaste vertu le fait trembler de peur.