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VITTORE CARPACCIO.

IX


La Scuola des Dalmates, l’une des plus modestes de Venise, avait voulu décorer le local qu’elle occupait dans l’église Sainte-Catherine. À défaut d’artistes nationaux, elle s’adressa à Yittore Carpaccio pour retracer la vie de « Messer San Zorzi», de saint Tryphon et de saint Jérôme, patrons de la Dalmatie. Carpaccio exécuta alors les pages qui fuient transportées plus tard à Saint-Georges des Esclavons.

La légende de saint Georges, véritable transcription chrétienne de l’histoire de Persée, offrait aux artistes les thèmes les plus heureux. Pour un maitre amoureux de beauté plastique, quelle figure plus aimable que celle de ce jeune guerrier plein de force et de grâce, incarnation de la jeunesse et de la foi. Tel l’ont représenté Mantegna ou Donatello. Un artiste épris de vie et de mouvement comme Carpaccio n’était pas capable de s’arrêter à modeler une image aussi sereine, mais devait se complaire aux épisodes touffus du drame conté par les hagiographes.

« Près de la ville qu’on appelle Silène, raconte Jacques de Voragine dans son naïf et frais langage, était un étang où habitait un monstre qui, maintes fois, avait fait reculer le peuple armé venu pour le détruire. Il s’approchait même jusqu’aux murs de la ville et, de son souffle, tuait tout ce qu’il trouvait. » Pour apaiser sa voracité on lui donna d’abord deux brebis par jour ; puis, quand celles-ci vinrent