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impeccable. Donc, point d’effet de lumière, mais un jour égal qui se répand sur toute la toile, comme il règne dans l’atelier et qui, auxiliaire docile, met en valeur les objets sans attirer lui-même l’attention ; élément nécessaire mais incommode et que son abnégation permet seule de tolérer.

De plus, il ne faut point attribuer à la couleur de mérite intrinsèque. L idée de la rechercher, pour elle-même, semblerait monstrueuse. L’harmonie des tons, leur éclat lorsqu’ils sont purs, leur accord lorsqu’on les marie, ou qu ils viennent chanter l’un près de l’autre sont des objets trop frivoles pour occuper le peintre. Il n’essayera pas, charmé par l’éclat doux des pierres précieuses, de rivaliser avec leurs chatoiements. Faire une œuvre agréable à 1 œil, plaire est pour lui chose de peu de prix et il dirait volontiers, avec le président de Drosses, qu’il est de bons tableaux mal coloriés, comme des bons livres sans agréments (1). Sur ces deux points, il faut l’avouer, l’École, vers 181.’», est disposée à évoluer ou à faire des concessions. Par un besoin nouveau d’originalité, peut-être aussi sous l’influence de Girodet, nous verrons, au Salon de 1817, plusieurs artistes tenter des effets de clair-obscur, ou rechercher l’agrément de la couleur. Les critiques, loin de les détourner de ces voies dangereuses, les encourageront a persister.

Mais ces tentatives sont condamnées ; il est impossible de concilier les lois du clair-obscur avec l’inexorable netteté île l’art davidien, et, d autre part, 1 éducation des artistes ne les a pas préparés à la couleur. A réduire la peinture au coloriage, on est arrivé à perdre le sens de l’harmonie colorée. Pour les trois quarts des peintres et des amateurs du début de la Restauration, il suffit de monter la tonalité générale de sa toile et de ne pas épargner les vermillons pour avoir fait œuvre de coloriste. Quant à la qualité des tons et aux lois subtiles de leurs mélanges, ce sont des mystères ignorés. Aussi la palette est-elle chargée de tons vulgaires, vermillons, cobalts, ocres, terres ; les couleurs ternes, noirâtres, brunâtres, éteintes ou lavées y dominent (2). D’ailleurs on peint le moins possible :

pas de préparation ou’ une préparation si légère qu’elle ne peut servir à 

rien (3). Les teintes sont appliquées l’une auprès de l’autre, et on s efforce de les (1) Ch. de Brosses, Lettre XLIII : « De toutes les parties de la peinture, le coloris est celle qui frappe le plus promptement les yeux du vulgaire, pour lequel un tableau mal colorié est un tableau de rebut ; qui attire la première ceux mêmes qui, la regardant comme secondaire, lui préfèrent avec raison la composition et le dessin : un bon tableau mal colorié est comme un bon livre sans agrément. » 1. Il, p. 189, éd. Colomb.

(2) « Les tons que Rubens produit avec des couleurs franches et virtuelles, telles que des verts vifs, des outremers , etc., David et son école croient les retrouver avec le noir et le blanc pour taire du bleu , le noir et le jaune pour faire du vert, de Yocre rouge cl du noir pour faire du violet. Ainsi de suite. Encore emploiet-il des couleurs terreuses, des terres d’ombre ou de Cassel, des ocres, etc... il parait ce qu il est effectivement : terreux, morne et sans vie. » Delacroix, Journal , 13 novembre 1857. (3) u Dans cette école l’ébauche est nulle, caron ne peut donner ce nom à de simples frottis qui ne