Page:Rosny - La Guerre du feu.djvu/124

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crainte, les Oulhamr détestaient cette présence mauvaise. Elle les empêchait de s’éloigner pour reconnaître le pays ; elle menaçait l’avenir, car il faudrait bientôt quitter les mammouths pour retourner vers le nord.

Le fils du Léopard songeait aux moyens d’éloigner l’ennemi de sa piste.

Il continuait à rendre hommage au chef des mammouths. Trois fois par jour, il rassemblait pour lui des nourritures tendres, et il passait de grands moments, assis auprès de lui, à tenter de comprendre son langage et de lui faire entendre le sien. Le mammouth écoutait volontiers la parole humaine, il secouait la tête et semblait pensif ; quelquefois une lueur singulière étincelait dans son œil brun ou bien il plissait la paupière comme s’il riait. Alors, Naoh songeait :

« Le grand mammouth comprend Naoh, mais Naoh ne le comprend pas encore. »

Cependant, ils échangeaient des gestes dont le sens n’était pas douteux, et qui se rapportaient à la nourriture. Quand le nomade criait :

— Voici !

Le mammouth approchait tout de suite, même si Naoh était caché : car il savait qu’il y avait des racines, des tiges fraîches ou des fruits. Peu à peu, ils apprirent à s’appeler, même sans motif. Le mammouth poussait un barrit adouci ; Naoh articulait une ou deux syllabes. Ils étaient contents d’être à côté l’un de l’autre. L’homme s’asseyait sur la terre ; le mammouth rôdait autour de lui, et quelquefois, par jeu, il le soulevait dans sa trompe enroulée, délicatement.

Pour arriver à son but, Naoh avait ordonné à ses guerriers de rendre hommage à deux autres mammouths, qui étaient chefs après le colosse. Comme ils étaient maintenant familiers avec les nomades, ils avaient donné