Page:Rosny - La Guerre du feu.djvu/127

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

cessait de considérer, à l’arrière, le troupeau lointain dont il menait les destinées. Naoh, sachant que les Kzamms étaient cachés à quelques portées de flèche, ne put se résoudre à abandonner l’attaque. Il se glissa, suivi de Nam et de Gaw, à travers les végétaux. Des javelots sifflèrent ; plusieurs Kzamms se dressèrent sur la broussaille pour mieux viser l’ennemi ; et Naoh poussa un long, un strident cri d’appel.

Alors, le chef des mammouths parut comprendre. Il lança dans l’espace le barrit formidable qui rassemblait le troupeau, il fonça, suivi des deux autres mâles, sur les Dévoreurs d’Hommes. Naoh, brandissant sa massue, Nam et Gaw, tenant la hache dans leur main gauche, un dard de la main droite, s’élançaient en clamant belliqueusement. Les Kzamms, épouvantés, se dispersèrent à travers la brousse ; mais la fureur avait saisi les mammouths ; ils chargeaient les fugitifs comme ils auraient chargé des rhinocéros, tandis que, de la rive du Grand Fleuve, on voyait le troupeau accourir par masses fauves. Tout craquait sur le passage des bêtes formidables ; les animaux cachés, loups, chacals, chevreuils, cerfs, élaphes, chevaux, saïgas, sangliers, se levaient à travers l’horizon et fuyaient comme devant la crue d’un fleuve.

Le grand mammouth atteignit le premier un fugitif. Le Kzamm se jeta sur le sol en hurlant de terreur, mais la trompe musculeuse se replia pour le saisir ; elle lança l’homme verticalement, à dix coudées de terre, et, lorsqu’il retomba, une des vastes pattes l’écrasa comme un insecte. Ensuite, un autre Dévoreur d’Hommes expira sous les défenses du deuxième mâle, puis l’on vit un guerrier, tout jeune encore, se tordre, hurlant et sanglotant, dans une étreinte mortelle.

Le troupeau arrivait. Son flux monta sur la broussaille ; un mascaret de muscles engloutit la plaine ; la