Page:Rosny - La Guerre du feu.djvu/63

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d’un sursaut de la tête. À part la rousseur mobile d’un écureuil tout de suite noyée dans les feuilles, on n’entrevoyait point de mammifères : l’odeur des grands félins les maintenait dans la pénombre ou tapis au fond d’abris sûrs.

Naoh croyait que le souvenir des coups d’épieu avait ramené le lion géant ; il regrettait cette action inutile. Car l’Oulhamr ne doutait pas que les fauves sauraient se comprendre et qu’ainsi chacun veillerait à son tour près du refuge. Des récits roulaient par sa cervelle où éclataient la rancune et la ténacité des bêtes offensées par l’homme. Parfois la fureur enflait sa poitrine ; il se levait en brandissant sa massue ou sa hache. Cette colère s’apaisait vite : malgré sa victoire sur l’ours gris, il estimait l’homme inférieur aux grands carnassiers. La ruse, qui avait réussi dans la pénombre de la grotte, ne réussirait pas avec le lion géant ni avec la tigresse. Pourtant, il n’entrevoyait pas d’autre fin que le combat : il faudrait ou mourir de faim sous les pierres, ou profiter du moment où la tigresse serait seule. Pourrait-il compter entièrement sur Nam et sur Gaw ?

Il se secoua, comme s’il avait froid ; il vit les yeux de ses compagnons fixés sur lui. Sa force éprouva le besoin de les rassurer :

— Nam et Gaw ont échappé aux dents de l’ours : ils échapperont aux griffes du Lion Géant !

Les jeunes Oulhamr tournaient leurs faces vers l’épouvantable couple endormi.

Naoh répondit à leur pensée :

— Le Lion Géant et la tigresse ne seront pas toujours ensemble. La faim les séparera. Quand le lion sera dans la forêt, nous combattrons, mais Nam et Gaw devront obéir à mon commandement.

La parole du chef gonfla d’espoir la chair des jeunes