Page:Rosny - La Guerre du feu.djvu/86

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Les chacals rôdaient à pas menus sur l’herbe. Leur crainte faiblissait au fumet de la chair. Quoiqu’ils eussent souvent rencontré la bête verticale, aucun n’en avait éprouvé les ruses : toutefois, la jugeant plus forte qu’eux, ils ne la suivaient qu’à distance, et parce que leur intelligence était fine, parce qu’ils savaient que le péril ne cesse jamais à la lumière ni dans les ténèbres, ils agissaient avec méfiance. Donc, ils rôdèrent longtemps auprès des Oulhamr, ils firent beaucoup de circuits, ils s’embusquèrent dans les massifs de térébinthes et en ressortirent, ils contournèrent souvent les corps immobiles. Le croissant rougit à l’orient avant que leur doute et leur patience eussent pris fin.

Pourtant, leurs approches étaient plus hardies ; ils venaient jusqu’à vingt coudées de l’appât ; ils s’arrêtaient longuement avec des murmures. Enfin, leur convoitise s’exaspéra ; ils se décidèrent, précipités tous ensemble, pour ne laisser aucun avantage les uns aux autres. Ce fut aussi rapide que l’avait dit Naoh. Mais les harpons furent encore plus rapides ; ils percèrent le flanc de deux chacals tandis que les autres emportaient la proie ; puis les haches brisèrent ce qui demeurait de vie aux bêtes blessées.

Lorsque Nam et Gaw ramenèrent les dépouilles, Naoh se mit à dire :

— Maintenant, nous pourrons tromper les Dévoreurs d’Hommes. Car l’odeur des chacals est beaucoup plus puissante que la nôtre.

Le Feu s’était réveillé, nourri de branches et de rameaux. Il élevait sur la plaine ses flammes dévorantes et fumeuses ; on apercevait plus distinctement les dormeurs étendus, les armes et les provisions ; deux nouveaux veilleurs avaient succédé aux autres, tous deux assis, la tête basse et ne soupçonnant aucun péril.