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Page:Rosny - La force mystérieuse, 1914.djvu/324

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crainte ; ses grands yeux clairs n’osaient se fixer sur la jeune femme. Elle le regarda venir. Quand il fut près d’elle, il murmura :

— Dans peu de semaines, nous serons délivrés !

Une mélancolie passa sur leurs visages. Les liens qui les avaient unis pendant de longs mois étaient devenus si faibles qu’ils ne les sentaient qu’aux minutes d’exaltation. En cette minute, dans la brise sourdement orageuse, devant le paysage de Vieille France, ils communièrent dans un même regret :

— Je ne puis m’en réjouir, répondit-elle. Il me semble que je vais être seule.

Elle baissa la tête et ajouta à voix basse :

— J’aimais l’être mystérieux qui nous unissait !

— N’est-ce pas ? fit-il de sa voix mystique. Vous ne sauriez croire comme j’étais triste, tout à l’heure, en considérant les lignes frêles qui nous joignent encore ; j’ai cru sentir les pulsations d’agonie de Celui en qui nous vivions : mon sang s’est glacé.