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LA JEUNE VAMPIRE

James s’était levé. Et, ayant repris quelque force à l’aide d’un cordial, il se tenait au chevet de la jeune femme, successivement enfiévré par la certitude et rassuré par le doute. Comme il est naturel, il se demandait parfois si Evelyn n’était pas folle. Mais, si la folie pouvait expliquer ses propos et ses actes, elle ne pouvait aucunement expliquer l’action trop réelle exercée sur Bluewinkle.

— Expliquez-moi, dit-il avec ferveur, comment vous avez vécu, après votre mort, jusqu’au moment où vous m’avez connu ?

— J’ai vécu d’eux ! avoua-t-elle. Et pendant votre absence aussi…

Avec un long frémissement, il se souvint de la pâleur du petit Jack et de la jeune Aurora.

— Alors, si je n’étais pas venu, vous auriez tué ces pauvres petits !

— Non, dit-elle vivement, quand l’un était trop épuisé, je m’adressais à l’autre… je ne suis pas méchante… je suis malheureuse… je me défends contre moi-même… je sais que je fais mal… mais je sais aussi que je suis constamment en danger de mort, et la tentation devient irrésistible…

Elle parlait avec une grâce humble et câline qui toucha profondément Bluewinkle. Il considéra ces yeux où luisait une flamme si passionnante et se dit :

— Ce n’est pas une méchante créature !…

Puis, saisi d’une curiosité ardente et sombre :

— Mais, qu’est-ce que vous nous prenez ?

Elle détourna la tête ; elle cacha son visage contre l’oreiller, et il l’entendit pourtant dire :

— Votre sang !

Il attendait au moins cette réponse. Par suite, il n’en fut que médiocrement ému et il alla examiner dans la glace l’endroit où Evelyn avait posé ses lèvres : il ne vit qu’une tache faiblement, très faiblement rosée.

— C’est impossible ! déclara-t-il. Le sang ne filtre pas ainsi à travers la peau…