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LA JEUNE VAMPIRE

douceur infinie. À mesure, il se sentait faiblir. Un engourdissement irrésistible saisissait sa pensée. S’il attendait encore une minute, malgré l’excitation du café, il savait qu’il tomberait dans un sommeil de plomb. D’un geste mou, il rejeta la tête d’Evelyn et, la gorge serrée d’angoisse, il s’exclama :

— Malheureuse !

Un sanglot éclata dans l’ombre, et, comme il allumait la lampe électrique, il vit Evelyn, prostrée sur le lit, qui tremblait de tous ses membres :

— Malheureuse ! répéta-t-il, que t’ai-je fait, pour que tu me tues ?

Leurs yeux se pénétraient. La jeune femme avait les pupilles palpitantes ; tout son visage exprimait une terreur mystérieuse ; elle répondit comme dans un rêve :

— Je ne peux pas faire autrement… je mourrais !

Soudain, une inspiration — une de ces inspirations qui viennent du tréfonds des êtres et qui naissent des contacts extraordinaires — éclaira Bluewinkle : il eut la certitude absolue qu’Evelyn Grovedale était une vampire !

Nous demeurâmes une minute dans un silence où passait l’aura mystique. Puis, Charmel haussa lentement les épaules :

— Qu’est-ce que sa certitude prouve ? demanda-t-il.

— Je vous le dirai demain, répondit Jacques Le Marquand après avoir consulté sa montre.


II


Le lendemain, Jacques Le Marquand continua son récit en ces termes :

— Le sentiment qui domina d’abord Bluewinkle fut un sentiment d’horreur et de crainte. Bientôt, les larmes d’Eve-