Page:Rosny aîné - La Mort de la Terre - Contes, Plon, 1912.djvu/106

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ancêtres ont-ils vécu ? Une folie inconcevable les a fait résister, pendant des millénaires, au décret de la nature. Ils ont voulu se perpétuer dans un monde qui n’était plus le leur. Ils ont accepté une existence abjecte…, uniquement pour ne pas disparaître. Comment est-il possible que nous ayons suivi leur pitoyable exemple ?… Il est si doux de mourir !

Elle parlait d’une voix lente et pure. Ses paroles faisaient un mal affreux à Targ. Chaque atome de sa chair se soulevait contre une telle résignation. Et la joie paisible qui éclatait sur la face des agonisants lui demeurait incompréhensible.

Il se tut pourtant. De quel droit essaierait-il de mêler la plus légère amertume à leur fin, puisque cette fin n’était plus évitable ?… La jeune femme entrefermait les paupières. Sa faible exaltation s’éteignait, son souffle se ralentissait de seconde en seconde et, s’appuyant contre une cloison d’arcum, elle répéta :

— Il est si doux de mourir !

Et l’un des hommes murmura :

— La délivrance est prochaine.

Puis, tous attendirent. La jeune femme s’était étendue sur le sol, elle respirait à peine. Une pâleur croissante envahissait ses joues. Puis, elle rouvrit un moment les yeux, elle regarda Targ et Arva avec une tendresse apitoyée.

— La folie de la souffrance demeure en vous, balbutia-t-elle.