Page:Rosny aîné - La Mort de la Terre - Contes, Plon, 1912.djvu/122

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de sa compagne un baiser amer et farouche, il se remit au travail.

Successivement, il les ramena tous. Le minéral s’était montré moins féroce pour eux que pour la jeune femme ; il leur avait épargné la mort lente, l’émiettement intolérable des énergies. Les blocs avaient broyé les crânes, ouvert les cœurs, écrasé les torses…

Alors, Targ s’abattit sur le sol et pleura sans fin. La douleur était en lui, vaste comme le monde. Il se repentait amèrement d’avoir lutté contre la fatalité inexorable. Et les paroles de la femme mourante, aux Terres-Rouges, retentissaient à travers sa peine comme le glas de l’immensité…

Une main lui toucha l’épaule. Il se dressa en sursaut ; il vit Arva, penchée sur lui, livide et chancelante. Elle était si accablée qu’aucune larme ne lui venait aux paupières ; mais tout le désespoir possible aux faibles créatures dilatait ses pupilles. Elle murmurait d’une voix sans timbre :

— Il faut mourir ! Il faut mourir !

Leurs yeux se pénétrèrent. Ils s’étaient aimés, profondément, chaque jour de leur vie, à travers toute la réalité et tous les rêves. Les mêmes espérances leur avaient été passionnément communes et, dans la misère infinie, leur souffrance était encore fraternelle.

— Il faut mourir ! répéta-t-il comme un écho.