Page:Rosny aîné - La Mort de la Terre - Contes, Plon, 1912.djvu/123

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Puis, ils s’étreignirent et, pour la dernière fois, deux poitrines humaines battirent l’une contre l’autre…

Alors, en silence, elle porta à ses lèvres le tube d’iridium qui ne la quittait jamais… Comme la dose était massive et la faiblesse d’Arva extrême, l’euthanasie dura peu de minutes.

— La mort, la mort, balbutiait l’agonisante. Oh ! comment avons-nous pu la craindre !

Ses yeux s’obscurcirent, une lassitude heureuse détendit ses lèvres, et sa pensée était complètement évanouie, lorsque le dernier souffle s’exhala de sa poitrine.

Et il n’y avait plus qu’un seul homme sur la terre.

Assis sur un bloc de porphyre, il demeura enseveli dans sa tristesse et dans son rêve. Il refaisait, une fois encore, le grand voyage vers l’amont des temps, qui avait si ardemment exalté son âme… Et, d’abord, il revit la mer primitive, tiède encore, où la vie foisonnait, inconsciente et insensible. Puis vinrent les créatures aveugles et sourdes, extraordinaires d’énergie et d’une fécondité sans bornes. La vision naquit, la divine lumière créa ses temples minuscules ; les êtres nés du Soleil connurent son existence. Et la terre ferme apparut. Les peuples de l’eau s’y répandirent, vagues, confus et taciturnes. Pendant trois mille siècles, ils créèrent les formes subtiles. Les insectes, les batra-