Page:Rosny aîné - La Mort de la Terre - Contes, Plon, 1912.djvu/132

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
118
CONTES. — PREMIÈRE SÉRIE

ses cils baissés, elle se tenait bien tranquille, tandis qu’il visitait la cellule.

Il n’était pas méticuleux, faisait grossement l’inspection.

— Bon ! bon ! disait-il.

Sa voix bovine la faisait tressaillir. Parfois il lui parlait. C’était un drôle de duo. Par ces beaux jours, — juin, juillet — il y avait le plus souvent un angle de soleil dans la loge.

Quand il avait le dos tourné, elle levait sournoisement les yeux, elle jetait un long regard, avide, passionné, sur la tête crépue.

Une fois le gardien s’en avisa.

— Ah ! la folle, cria-t-il en riant.

Il n’avait pas oublié le hanneton. Il commit une espièglerie.

— Oui, oui, il est… là !

Il montrait une place, un peu derrière la tempe. Elle tressauta, ses prunelles eurent un jeu extraordinaire de désir, de colère.

Avant de partir, il alla un instant au grillage. La grande cour était reluisante. Entre les dalles, du mouron et de l’herbe croissaient en abondance. Un petit jardinet, au milieu, développait une mosaïque de géraniums alternés de plantes charnues. Une grosse boule métallique brillait comme un soleil, et une poule grise picorait au milieu de poussins jaunes. Une odeur émanait de tout cela, une odeur d’aromates plutôt qu’un parfum.

Elle vint, la folle, si légère ! Ses joues étaient