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Page:Rosny aîné - La Mort de la Terre - Contes, Plon, 1912.djvu/133

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LE HANNETON

enflammées, ses narines frissonnantes. Elle vint, sa jolie main s’allongea, lentement, une main de travaux exquis. Cette main, ces doigts ravissants frôlèrent la grosse chevelure du gardien. Il se tourna. Il avait sa mine majestueuse de pion qui veut de l’ordre.

— Qu’est-ce que c’est que ça ! fit-il tout grondant.

Au nom de la raison, il dauba du plat de la main sur l’épaule de la folle.

Elle le regarda, furieuse.

— Ah ! gare ! dit-il.

Elle trembla. Puis, avec la ruse des fous et des enfants, elle eut son plus doux sourire.

— Là ! murmura-t-il, ne faisons pas de bêtises !

L’épais gaillard disparut, laissant toute frissonnante la merveille de beauté, de grâce et de folie.

Pendant tout un été, la folle fut sombre. Elle veillait tard. Ses yeux grandirent, dans une pâleur fatiguée. Elle avait l’air d’un savant qui, creusant trop un problème, y laisse sa santé et sa force. Deux fois, elle reçut des douches pour avoir tapagé nocturnement. Elle devint extrêmement circonspecte. Pourtant, si le gardien lui parlait, elle avait son grand rire frais. Le brave homme ne remarqua pas de notes grimaçantes dans le cristal, n’ayant pas l’oreille créée pour ces minuties. Un jour, il crut voir la folle tripoter aux barreaux. Il entra, examina, ne vit rien.