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Page:Rosny aîné - La Mort de la Terre - Contes, Plon, 1912.djvu/135

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LE HANNETON

paraissait songer à toutes sortes de choses graves. Le saphir de l’œil brillait de fièvre, de la fièvre des grandes préoccupations. Il y avait pourtant un espoir là, cette lueur sereine dans la tempête qu’on découvre chez les grands travailleurs qui ont l’espoir d’arriver.

La folle se mit à détester la lune. La nuit, croissant ou orbe, elle venait par les barreaux, éparpillant dans la loge sa lumière curieuse. La folle s’irritait quand elle voyait l’œil d’argent cligner devant les fenêtres. Elle savait bien que la lune est là pour tous, calme, impartiale, mais ses nerfs l’emportaient sur sa raison. Dès que l’astre escaladait le bleu, elle frissonnait, prise de névrose. Ses yeux clairs papillotaient, une rougeur montait à son front et, découragée, elle se jetait sur son lit, où elle restait à pleurer intérieurement.

La lune disparut, de la cendre plein sa face. Pendant la syzigie, la folle respira : elle ne craignait plus la venue inopinée du regard d’argent.

Elle devint alors extraordinairement active, d’une activité furtive, précautionneuse et si patiente ! On la surveillait de moins en moins, sa dissimulation l’ayant faite maîtresse de la confiance entière des gardiens. Elle put achever sa longue tâche, l’œuvre patiente des mois, le rongement insensible de l’insecte qui traverse le noyer ou le chêne.

Une nuit, oh ! bien noire ! pleine de nues qui naviguaient sur le firmament, une silhouette légère