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Page:Rosny aîné - La Mort de la Terre - Contes, Plon, 1912.djvu/136

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CONTES. — PREMIÈRE SÉRIE

passa par les barreaux descellés d’une cellule et descendit dans la cour. Elle alla tout droit, sans hésiter, malgré les ténèbres, car, dans la lente élaboration de l’œuvre, tout avait été calculé, recalculé, avec la triple patience de l’obsession, de la solitude et de l’emprisonnement. Elle dépassa le carré jardiné. L’ombre forte la voilait ; elle y glissait avec la précision silencieuse des chats. Le ciel lui soufflait aux cheveux. Elle levait son front de captive sous l’air libre, humait brèvement.

La blancheur de sa face était son seul péril. Les rares rayons y rejaillissaient et la faisaient saillir vaguement sur le noir. Elle y jeta ses cheveux, à travers lesquels les deux saphirs luisaient comme des lampyres.

Elle s’arrêta. Un mur était là, pâle sur l’ombre, avec ses portes et ses fenêtres. Comment ouvrit-elle une porte ? La serrure eut un bruit faible, comme un cri bref de souris, puis un rectangle noir s’enfonça.

Silence. Les nues coulaient sur les étoiles, les noyaient, puis les laissaient reparaître sur les îlots d’azur. Un oiseau noctambule soupirait, derrière les murs. Des feuilles se roulaient sèchement.

Puis, du morne bâtiment, une clameur sortit, un grand hurlement. Les fous, nerveux, au sommeil léger, s’éveillèrent, et des cris partirent des loges. La terreur augmenta ; les frénétiques collèrent leurs fronts aux barreaux, les verbeux expli-