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CONTES. — PREMIÈRE SÉRIE

tière. J’eus une grande pitié de tous deux et, en tout cas, je résolus de lui faciliter sa misérable chance. Deux fois déjà, au coin du volume, il avait ouvert ses ailes de corne, sous lesquelles on en apercevait deux autres, fripées et translucides, qui avaient bien un peu l’air d’être les coins d’une minuscule chemise de batiste.

J’ouvris plus largement la fenêtre et ce geste me fit quitter des yeux le coléoptère. Quand mon attention revint à lui, je ne le vis plus. Il avait quitté la page où il trottinait, il n’était ni sur la tranche ni sur la couverture. Je consacrai trois minutes à sa recherche, sans résultat : « Il est parti ! » me dis-je… Il est quelque part là-bas, dans les lacs de l’air, courant sa fortune d’atome…

Je n’y pensai plus. L’heure approchait où j’allais revoir Janine. C’était chaque fois le recommencement du monde. Auprès de Janine, je retrouvais la terre de Robinson et les vieux jardins des contes de fées, la Belle aux cheveux d’or et la princesse qui rêve devant le rouet d’ivoire, les sortilèges du Bois dormant et le Grillon du Foyer, la grande légende qui monte avec le crépuscule et la petite fable qui palpite aux étincelles des bûches de hêtre, l’étoile perdue dans l’infini et la lampe qui luit au fond de l’allée solitaire.